Présentation de l’anthologie NOURRITURES NÉOHUMANISTES par Michel Bénard, Société des Poètes français
Rencontre Société des Poètes Français – Présentation, lecture, le 22 novembre 2018.
Anthologie « Nourritures néohumanistes » Éditions IDEM.
Sous la Direction de Suzanne Dracius.
Bel honneur d’accueillir un véritable florilège de poètes et d’auteurs de multiples origines dont bon nombre sont affiliés à notre Société des Poètes Français, autour d’une anthologie bilingue franco-italienne, sérieuse, discrète mais majeure quant au sujet traité d’un courant émergeant, le néohumanisme et dans le cas présent développant un thème malheureusement récurrent, sous toutes ses facettes y compris les plus pernicieuses, l’exil migratoire.
Cependant en tout premier lieu un grand merci à Suzanne Dracius à qui nous devons aujourd’hui le plaisir de nous retrouver autour de ce thème vieux comme le monde et qui n’a rien d’anodin.
Nous constatons chaque jour par les médias une déshumanisation de notre société au travers du monde où les mouvements obscurantistes, sectaires, religieux sous manipulations, fascismes, corruptions multiples et variées semblent se réveiller, reprendre vigueur en étendant leurs tentacules.
Suzanne Dracius a su s’entourer de poètes reconnus et engagés dans une démarche humaniste et pacifiste profonde et bien ancrée. Ainsi que déjà souligné, beaucoup de poètes et auteurs qui ont participé à cette anthologie sont membres, sociétaires ou comme Giovanni Antonio Dotoli appartiennent au comité d’honneur. Rappelons également que Suzanne Dracius qui est sociétaire a déjà été couronnée d’un Grand Prix de la Société des poètes français.
Il est évident que beaucoup ici connaissent Suzanne Dracius femme de lettres, poète, animatrice, mais un petit clin d’œil sur elle s’impose.
Suzanne Dracius nous ne le remarquons pas toujours est originaire de Fort-de-France, fleuron de la Martinique. Notre amie est considérée incontestablement comme une des voix littéraires les plus importantes des Antilles et bien au-delà.
Études en lettres classiques à la Sorbonne, puis orientation vers le professorat en lettres classiques, français, latin, grec. En poste à Paris, puis à l’université Antilles-Guyane et aussi à l’Université de Géorgie et de l’Ohio aux USA.
Au-delà du professorat elle poursuit en parallèle sa carrière d’écrivain ou d’écrivaine, selon, discipline dans laquelle elle sera amplement reconnue. Aujourd’hui elle est invitée dans le monde entier, congrès, cénacles, salons etc. La semaine dernière elle se trouvait encore en Espagne.
Toute sa vie durant Suzanne Dracius luttera à visage découvert contre toutes les formes d’injustices, d’exactions, de discriminations, raciales, sociales, sexuelles, support majeur des thèmes traités dans son œuvre.
Nous connaissons l’engagement militant de Suzanne Dracius sans lequel d’ailleurs nous ne serions pas là ce soir, puis son action altruiste au service de l’humain et au sein de l’édition dont elle a souvent un rôle directeur. Exemple aujourd’hui, cette remarquable anthologie « Nourritures néohumanistes » publiée aux éditions IDEM.
Pourquoi cette anthologie ?
Tout naturellement pour rassembler des voix qui portent haut et loin, qui résonnent comme le glas, qui sont pour la majeure partie, connues et reconnues dans les milieux littéraires, humanistes et pacifistes, issues le plus souvent des milieux universitaires.
Et encore parce qu’être poètes, artistes, créateurs, philosophes, musiciens etc., c’est revendiquer avant tout son besoin d’amour, c’est porter le plus haut respect à la vie en lui restituant un noble sens, c’est surtout oser encore croire en l’homme et tendre tout entier vers son devenir. C’est déposer de l’espérance sur une humanité exsangue. C’est percevoir dans la vie, la beauté et en transcender le sens.
À propos de sens il me semble bon de souligner la signification évidente et hautement symbolique du choix pour première de couverture du « Radeau de la Méduse » de Théodore Géricault. Je cite Suzanne Dracius :
« Ô romantique Géricault, ton tableau souffre d’un irrésistible assombrissement / dû à un apprêt au bitume de Judée, à une huile rendue siccative par un ajout abondant d’oxyde de plomb et de cire, ton radeau de toutes les Méduses, d’une éclatante et flagrante actualité, erre en autre Passage du Milieu en cette autre mer du milieu, cette Méditerranée, cet aître, cette haute mer à un goût d’ancêtre. »
Claudine Bertrand, notre amie et grande poétesse québécoise, le dit aussi nous nous devons :
« D’aller jusqu’à la sacralisation/ D’une impression d’éternité /Aux senteurs d’une nuit africaine. »
Francis Catalano, un autre canadien, pose le doigt sur un point sensible :
« Tandis que Rimbaud abandonnait son œuvre et qu’il négociait à son désavantage un stock d’armes avec Ménélik, roi des rois de l’empire d’Éthiopie, à Paris, dans un cénacle, on redécouvrait
"Une saison en enfer". »
Mona Gamal El Dine, originaire d’Égypte, d’expressions française et arabe, Docteur en Sciences de l’Art à la Sorbonne, Présidente fondatrice des Poètes pour la Paix, Sociétaire de la SPF et possédant bien d’autres cordes à son arc, est elle aussi une grande voix pacifiste et humaniste qui revient dire à son frère l’homme :
« Oh ! mon frère humain ! Je t’écris de l’autre monde/ j’ai beaucoup de patience / je reviens, je reviens pour te dire : Salam sur la terre et sur l’humain/ Oh ! mon frère humain souviens-toi/ Le rêve fait des miracles ! »
Ndongo Mbaye, qui lui nous vient du Sénégal, terre où la mémoire contient et les paysages transportent des parfums de poésie, sait que le salut viendra du Verbe, de la poésie, de la parole du griot qui :
« Lui indiquent tous les jours/ Les points d’ancrage/ De ses espaces cardinaux. »
Mario Selvaggio, éminente personnalité littéraire, poète, essayiste, traducteur, maître de conférences à l’université de Cagliari, responsable d’éditions bilingues, a conscience « intuitistement » puisqu’ animateur-fondateur du mouvement « intuitiste, » que le Verbe nous libérera :
« Allons, libérons les mots/ Du sang glacé de l’amour/ Ouvrons la semence de parole/ Où refleurissent nos rêves. »
En cela je le rejoins, puisque je suis convaincu que c’est sur des utopies que l’on érige les plus beaux édifices.
Pour conclure et avant de nous retrouver autour de nos amis(es) poètes, auteurs(es) de ce beau travail collectif, je pense que nous pouvons, par le Verbe, le rêve et l’amour, sauver l’humanité. Que sont devenues les espérances du siècle des Lumières, la tolérance, la concorde, la libre circulation des idées, l’humanisme, l’universalité, l’amour déculpabilisé ? L’humanisme, l’amour sont des germes d’espérance, de beauté et d’harmonie, alors je crois bon de les confier aux poètes, jardiniers de l’esprit, de la sagesse, du bon sens tout simplement et qu’ils rendent vie à ce jardin que nous avons tant piétiné, pour y revoir fleurir en toute Liberté, l’Amour, cette belle fleur d’humanité et de vérité.
À l’instar de mon Maître, le grand poète Marc Chesneau je pense sincèrement que :
« Dans un instant d’amour un siècle peut tenir…/… »
Michel Bénard.
Lauréat de l’Académie française.
Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres
Poeta Honoris Causa.