En revenant de Nantes… après la soirée poétique à l’Espace culturel Louis Delgrès

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En revenant de Nantes…

par Suzanne Dracius, samedi 25 juin 2011, 13:42

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Très émouvante et chaleureuse soirée poétique, hier, à l’Espace culturel Louis Delgrès, superbe lieu de mémoire, de vie et de convivialité.

La ville de Nantes assume sereinement son passé de port négrier dont les deux grandes sources de richesse garantirent l’opulence du XVI è au XIX è siècle : l’Afrique et l’Amérique. Des navires construits à Nantes assurèrent le fameux commerce triangulaire entre ce port — premier port de France à l’époque et l’un des plus importants d’Europe —, les côtes de Guinée et les Antilles. Le principe en était cruellement simple : acheter des Noirs pour les revendre contre du sucre de canne, qui sera raffiné à Nantes. Les navires déversaient également sur le quai de la Fosse d’autres marchandises coloniales : cacao, café, poivre, indigo et bois exotiques. Dans l’Île Feydeau se jouait ce drame qui n’avait rien d’un vaudeville : cette Île Feydeau concentre en son sein les témoignages de cette période esclavagiste où les armateurs nantais formaient de véritables dynasties. Arrogant exemple architectural paré de mascarons représentant des têtes de nègres très caricaturales et grotesques, l’Île Feydeau s’érige en témoin évoquant l’existence opulente des armateurs nantais au XVIII è siècle : allée Turenne, les vastes immeubles des riches familles d’armateurs, élevés sur sol sablonneux, penchent aujourd’hui, créant un effet d’optique des plus singuliers — et une vertigineuse réflexion sur ce passé négrier.

Sauvagement vandalisée et quasiment profanée il y a quelques années, la statue du Nègre marron, l’esclave libéré de ses chaînes, est désormais à l’abri, sous ducale protection, au Château des Ducs de Bretagne… (Elle a été restaurée : les vandales lui avaient enroulé autour des poignets ses chaînes brisées…)

Quant au Mémorial de l’esclavage, il est encore en chantier et devrait ouvrir ses portes avant la fin de cette Année de l’Outre-mer… Sous le quai, un passage souterrain de 90 mètres de long symbolisera l’enfermement des captifs dans les cales des vaisseaux négriers… Ce parcours méditatif invite à une songerie sur le long combat — inachevé — de l’humanité contre l’esclavage, contre toutes les formes d’esclavage.

Post-scriptum : émotion aussi, nostalgie, quand trois des personnes assistant à ma conférence m’ont dit se souvenir de ma tatie Rachel, ou plus exactement de son restaurant "Madiana" situé naguère au centre-ville, où je dégustais, enfant, sa fameuse "sauce armoricaine", sorte de colombo auquel cette joviale "fanm doubout" apportait sa touche personnelle.
Ah, Madiana !…
Jou-a ka rouvè !

Un chaleureux merci à Mémoire de l’Outre-mer pour son accueil et sa vitalité ! Pour tous ceux qui passent à Nantes, une étape recommandée : l’Espace culturel Louis Delgrès.

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