URGENTES TURBULENCES

dimanche 22 janvier 2012
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Sur " URGENTES TURBULENCES " :

– "turbulences" surprend, et il a de multiples sens (idéal pour la poésie pure, la création d’images variées dans l’esprit du lecteur, puisqu’il s’emploie pour toute forme d’excitation, d’agitation, de trouble, y compris pour désigner les "turbulences" en avion lors des trous d’air ou du mauvais temps), multiples significations qui conviennent bien à ce poème à connotations érotiques.

– " Ô île mienne " :
c’est l’équivalent, en langue soutenue, de "Ô mon île".

– "Si feu que rien" :
jeu de mots sur l’expression bien française « si peu que rien », signifiant « tellement peu que c’est négligeable, que c’est sans conséquence, qu’il n’y a pas à en tenir compte ; presque rien, fort peu, tellement petit que c’est presque comme si ce n’était rien, insignifiant, quantité négligeable », car l’île est minuscule ("si peu que rien") et volcanique (d’où l’image de "feu" à cause du volcan, la Montagne Pelée).

– " Love presqu’île tienne :
Métaphore érotique. La presqu’île de la Caravelle est une péninsule (du latin « paene » > « pen » signifiant « presque », et "insulta", île) au Nord-Est de la Martinique. C’est l’image de cette pointe de la péninsule qui s’enfonce dans la mer comme un pénis, cette presqu’île qui fait l’amour avec la mer (d’où le jeu de mots sur "love", du verbe français "lover", homonyme du mot anglais "love" signifiant "l’amour" ou "aimer"), de même que la Pointe-des-Nègres, comme un phallus qui s’enfonce dans la mer.
« Love » est un présent de l’impératif — ou de l’indicatif — qui a pour sujet « île » (vers 1) et pour complément d’objet direct « presqu’île ».
" Love presqu’île tienne " signifie en gros : "blottis ta péninsule" ou "ta presqu’île se blottit et fait l’amour [avec la mer]".
Il y a un double sens possible de “tienne”, qui se rapporte à “ta presqu’île” en signifiant “ta verge, ton pénis ", mais peut aussi vouloir dire à toi, [moi, la femme, en tant que] “tienne”, me donnant à toi, t’appartenant dans l’acte d’amour.

– " Si tant que bien " :
jeu sur l’expression " tant et si bien" qui veut dire : "s’efforçant tellement qu’on y arrive" : l’île est tellement blottie, tellement amoureuse qu’elle parvient à être bien.

– " S’étend "
C’est l’île tout-entière avec en particulier sa péninsule, bande de terre qui s’enfonce comme un pénis dans la mer (" qui s’étend "). C’est toujours ma même image, présente dans d’autres poèmes (par exemple "Pointe des Nègres") de la péninsule/pénis.
Cette péninsule/pénis fait l’amour ("love") avec la mer.

–  "S’y tend" est à connotation érotique, comme un pénis qui se tend (en érection), un pénis qui s’allonge lors de l’érection. "S’y tend" signifie : l’île s’allonge, se prolonge par cette excroissance phallique qu’est la péninsule tendue, telle un pénis en érection plongeant dans la mer.

– "Que longtemps tiennes"
C’est un voeu : je souhaite que mon île tienne bon, qu’elle résiste longtemps aux assauts du temps etc. (Ça pourrait aussi se dire : "puisses-tu tenir bon longtemps".) Mais il y a là aussi un double sens érotique, avec le sens de l’homme qui fait l’amour longtemps, qui est puissant, attentionné et capable de " tenir " longtemps jusqu’à la jouissance de la femme, et non de prendre son propre plaisir à toute vitesse comme un lapin ou un coq, autrement dit le contraire de l’éjaculateur précoce qui laisse la femme frustrée. C’est l’expression d’un souhait ; ça signifie en gros : « ah, pourvu que tu tiennes longtemps, ah, si tu pouvais te maintenir longtemps (sous-entendu « en érection »).

– "Pas comme antan"
Quelle est la différence entre aujourd’hui et "antan" en ce qui concerne la presqu’île qui fait l’amour à l’océan ? "Antan", c’est autrefois, le temps de l’esclavage… Donc pas de plaisir, violence et malheur avec les bateaux négriers amenant des esclaves, donc une copulation cruelle et non voluptueuse entre l’île et la mer.
La presqu’île s’appelle "La Caravelle", nom d’un bateau comme ceux de Christophe Colomb "découvrant" les Amériques en commençant par les Antilles.

– "Esquif esquive en volcanisme"
Le verbe "esquive" est à l’impératif (pas de S final, bien sûr, aux formes qui sont au mode IMPÉRATIF). C’est un conseil ou un ordre donné à l’île, si petite qu’elle peut être comparée à un petit bateau frêle (un " esquif ") qui doit tenter de résister au terrible volcan, d’éviter sa colère, de l’esquiver pour survivre à la destruction due à la catastrophe (l’éruption volcanique, toujours possible…) J’ai mêlé dans cette métaphore — volontairement non filée — deux champs lexicaux, car la Martinique est placée sous le double signe de l’océan et du volcan.

– "Vénus et Vulcain crachent et crochent" :
" Crocher " est un verbe rare, donc il surprend le lecteur accroché par la rareté de ce mot. Or mon intention est bel et bien de projeter des images fortes au regard du lecteur. " Crocher " est ici employé dans le sens d’" attraper, agripper quelqu’un ou quelque chose avec le bras, la main, les doigts courbés en forme de crochet, de manière à l’immobiliser ", et aussi " en venir aux mains, s’empoigner ". Vénus et Vulcain sont mariés mais mal mariés… (D’ailleurs Vénus prend Mars pour amant.) Or Vénus est déesse de l’amour, et Vulcain évoque le volcan (le mot "volcan" vient du nom de Vulcain en latin). Ce couple marié fait l’amour, mais de façon violente : ne parle-t-on pas de "prostitution conjugale" pour une femme qui fait l’amour sans amour avec son légitime époux uniquement pour avoir la paix et son confort, et même de "viol conjugal" pour une épouse qui est forcée par son mari ? Or pour Vénus c’est le cas, avec son mari, l’affreux boîteux Vulcain, auquel elle préfère son amant Mars. L’idée est toujours que cette île est un mélange de volupté et de violence, voire de viol institutionnel au temps de l’esclavage et de la colonisation.

– "Vénus et Mars cravachent et triment"
Encore une métaphore érotique ; "trimer" signifie "travailler très durement pour assurer sa subsistance, faire des besognes pénibles", comme au temps de l’esclavage, mais ici « triment » est au sens sexuel —comme peut l’être le verbe « besogner » —, de « faire l’amour frénétiquement, aller et venir en s’agitant, en dépensant beaucoup d’énergie ».

– "Prends bons coups de trique"
Par métonymie ou synecdoque***, le sujet "tu" contenu dans "prends" est toute l’île (y compris la presqu’île) qui reçoit des coups comme les coups de trique donnés naguère aux esclaves.
*** La figure de style comme quand on dit "Paris s’éveille" (Paris = les habitants de la ville).
Mais c’est évidemment à double sens, à connotations érotiques : “Prends” est à l’impératif, c’est un ordre donné à la femme dans l’acte sexuel, signifiant “reçois”. “Trique”, signifiant gros bâton qui sert d’appui pendant la marche, et qui peut être utilisé pour frapper, pour assommer (synonyme : gourdin), au sens familier, désigne le pénis qui pénètre la femme (avoir la trique = être en érection, bander) ; “bons” est à double sens : à la fois forts et sources de plaisir.

– "Ogoun Ferraille somme mais consomme"
Ogoun Ferraille est un " orisha " dans la mythologie yoruba, et un " loa " du vaudou haïtien. C’est le dieu vaudou de la guerre (comme Mars), du feu et du fer (comme Vulcain), et l’amant d’Erzulie, déesse de l’amour (comme Mars, amant de Vénus déesse de l’amour et épouse de Vulcain) ; donc ce dieu de la mythologie afro-caribéenne synthétise à lui tout seul les diverses attributions respectives de ces deux divinités de la mythologie gréco-romaine : toujours le métissage, à la fois autoritaire et victime, puissant et passif, d’où le fait qu’il "somme mais consomme" (il est le guerrier qui lutte contre la misère) ; toujours l’oxymore présent dans le titre, toujours l’Exquise déréliction métisse, l’alliance des contraires, où "consomme" se teinte aussi d’une nuance érotique.

– "aporie" (philosophie, logique) : contradiction insoluble qui apparaît dans un raisonnement.

– " apnée " (grec apnoia ; mot souvent utilisé dans la plongée-sous-marine) : arrêt de la respiration de durée variable, sans arrêt cardiaque. Les amants, dans la fougue de leurs ébats, s’arrêtent parfois de respirer momentanément.

– "Je suis parti(e)" au sens érotique : je suis en extase, je m’envole vers la jouissance. Être parti au sens familier signifie être ivre (ex : il était complètement parti).

– " Dure résolument sois parjure " :
Dans "dure" on n’y voit que du feu, puisque "dure" peut être compris comme verbe ou comme adjectif, ce qui est fait exprès : il peut s’agir du verbe "durer" à l’impératif dans le sens de " je te donne l’ordre de durer, de résister, de prolonger " etc. (avec connotation érotique : faire durer l’acte sexuel sans précipitation), mais "dure" ici peut aussi être un adjectif qui se rapporte au "tu", l’île (ou plutôt la presqu’île, le partenaire sexuel), d’où ce féminin, qui est à la fois l’adjectif “dure” (la “péninsule”, c’est-à-dire la verge, pas molle, bandée) et “dure” du verbe “durer” à l’impératif signifiant “reste longtemps en érection”. (Encore un jeu de mots et une métaphore filée érotique, ensuite, "dure" pouvant se rapporter aussi à la queue au sens de pénis ; or souvent la foule fait la queue, se met en file.)

– "Que toujours dure
L’assentiment"

Expression d’un voeu : la femme souhaite que l’entente se prolonge indéfiniment, que l’accord parfait dans ce couple soit pérenne et non pas éphémère. (Bien sûr il y a jeu de mots sur "assentiment" et "sentiment" : souhait que les sentiments aussi durent autant que l’entente physique…)

– "foule" : les gens, les autres, tous ceux qui sont à l’extérieur des couples précédemment constitués, mais aussi les couples eux-mêmes qui se démultiplient dans l’acte sexuel.

– "Folle quand t’affole" :
(sous-entendu "je" : "je t’affole") c’est l’idée d’une folie contagieuse, une folie partagée par les deux partenaires amoureux, une excitation communicative, dans ce couple qui s’affole mutuellement.

– "Crypte hypocrite" :
Rien, en français, ne permet de déterminer si " crypte " est le nom " la crypte " (évoquant le sexe féminin, qui serait alors le complément d’objet de "cajole") ou le verbe " crypter " à l’impératif (signifiant cacher, dissimuler, transformer un message en clair en un message codé compréhensible seulement par qui dispose du code) ; ce verbe "crypter" aurait comme complément d’objet " Ta turbulente turgescence ". C’est comme pour " dure " dans " Dure résolument sois parjure " : ces équivoques sont volontaires. Libre au lecteur d’interpréter à sa guise, mon intention étant de suggérer à la fois l’excitation de la femme qui ordonne " cajole [ma] crypte " et cette espèce de pudeur, de retenue qui fait qu’elle ordonne à l’homme (avec " crypte " verbe à l’impératif) : " crypte, cache, code ta turbulente turgescence, masque ton excitation ". Ce mot "crypte" à double nature grammaticale (à la fois nom et verbe par licence poétique) crée une sorte d’hypallage : deux constructions grammaticales y sont attelées.

– "En sondes l’ombrage ombrageux " :
Ce “En” est le pronom complément du nom "crypte" ; " En " = "de la crypte" (= du vagin) : ça signifie “ tu (= la presqu’île phallique) explores la cavité ombragée de la crypte" (métaphore pour la pénétration du sexe de la femme) ;
" sondes " est à la 2è personne du présent de l’INDICATIF, image érotique du vagin pénétré, avec élision du pronom sujet " tu " sous-entendu, à la latine, puisque le partenaire est tutoyé à partir de la 2è strophe ;
"l’ombrage" est en référence au créole "lonbraj" qui désigne le sexe de la femme, "ombrageux", susceptible, méfiant, car il abrite le clitoris, hyper sensible, qui se caresse délicatement.

– "Patat lonbraj" :
périphrase créole synonyme de pénil, partie inférieure du ventre de la femme, constituant une éminence triangulaire, large et arrondie au-devant de l’os du pubis. "Patat lonbraj" = le mont de Vénus, et, par extension, le sexe de la femme.
(Je n’utilise guère de gros mots, et si je le fais — c’est rarissime, par exemple pour les choses sexuelles —, je m’ abrite derrière le paravent du créole pour atténuer la crudité de la chose. Parmi les bonnes critiques sur mon oeuvre, il y a cette appréciation d’une "sophistication naturelle" dans mes écrits, jugée unique et fascinante, et que j’assume.)

– "perce
Puis dépèce"
 :
Ces deux verbes sont à l’impératif ; un ordre est donné à la presqu’île phallique : " perce puis dépèce le mont de Vénus "("patat lonbraj" est le complément d’objet direct antéposé de ces deux verbes "perce puis dépèce", qui évoquent un acte sexuel assez violent et réfèrent aux mots créoles "couper" pour "faire l’amour" et "fer" (= épée) pour "pénis" ; "perce" est l’impératif du verbe " percer" ; il s’agit de la pénétration du sexe de la femme par le sexe de l’homme lors du coït. « Patat lonbraj », le Mont de Vénus, est complément d’objet direct de « perce ». En résumé, ici la femme ordonne à l’homme de s’introduire en elle, de lui faire l’amour.

– "Tance somnolences"
Tance : verbe à l’impératif. Tancer signifie réprimander sévèrement. L’ordre est donné de reprocher tout endormissement pendant l’acte sexuel.

– " Exprès " signifie de manière intentionnelle, volontairement, délibérément, intentionnellement, dans une intention spéciale. Cet adverbe se réfère au sens de "crypte" en tant que verbe à l’impératif qui a "turgescence "pour COD. Cela signifie : "code intentionnellement ta turgescence, fais exprès de dissimuler, de cacher ton érection".

– "expresse" : urgente, due à un désir pressant, une pulsion sexuelle irrépressible demandant une immédiate satisfaction. (Se rapporte à la "turgescence", l’érection.)

– Ta turbulente turgescence :
Idem : érection irrépressible, intenable.