Mortelle mascarade Écrire en mon île confinée, 20e jour de confinement
Le coronavirus pourrait endommager non seulement les poumons, mais également le cerveau. Plusieurs médecins ont rapporté des cas de troubles cognitifs chez des malades du Covid-19. Cela expliquerait le fait que certains continuent à se balader et à ne pas respecter le confinement... Leur cerveau est déjà endommagé...
Paradoxalement, les espaces au grand air, sains par définition et quasi exempts de pollution, bords de mer, plages, parcs, forêts, sont interdits, hélas, à cause d’une masse de mal confinés cons finis qui n’ont rien compris au bien-fondé de la fameuse distanciation sociale et sont allés massivement s’agglutiner sur les plages et les sentiers de randonnée, privant de leur plaisir les personnes responsables respectueuses des consignes de sécurité sanitaire. C’est rageant ! Frustrant d’être à la merci de petits esprits ! Furieuse que mon corps soit privé de mer à cause d’eux !
Et puis, que Jérôme Salomon, le Directeur général de la Santé qui nous apporte notre lot quotidien de chiffres du coronavirus, cesse d’employer l’atroce expression « mortalité ATTENDUE » pour désigner la mortalité HABITUELLE en temps normal ! Quel cynisme dans cette formulation !
On n’attend pas les morts !
La France est le seul pays au monde qui distribue plus d’amendes que de masques. Mortelle mascarade !
Après avoir dit « Pas de masques » – peut-être parce qu’ils n’en avaient pas –, les mêmes dirigeants envisagent désormais le port du masque « alternatif » par l’ensemble de la population.
En cette funeste mascarade, un autre scandale de masques démasqué : un énorme stock de 24 300 000 masques stockés au Centre National des Approvisionnements de La Poste que La Poste a caché en pleine épidémie, alors que, de toutes parts, la France cherche à s’équiper pour faire face à l’épidémie de Covid-19, et que la fédération Sud PTT s’inquiète de la sécurité des postiers, livrés, démunis, à une éventuelle contamination, sans aucune protection contre le coronavirus !
Ce que nous sommes en train de vivre est extrêmement inquiétant. Sous prétexte du confinement, nous laissons filer la totalité de nos principes fondamentaux. Par exemple, rien dans le texte du dernier décret du 26 mars ne dit qu’il faut préciser la date et l’heure sur son attestation, mais les policiers prennent néanmoins la liberté de verbaliser sur ce fondement, et d’autres tout aussi farfelus.
C’est le troisième dimanche où je participe à l’émission de radio du weekend en direct sur Martinique 1ère sur la vie confinée, par téléphone, de chez moi, évidemment, avec son animateur, Pierre Lafarge, qui m’interroge sur le téléphone en temps de confinement, justement, outil indispensable pour pouvoir continuer à communiquer avec parents et amis, et élucider ma formule quelque peu surréaliste « Je regrette demain ». Le téléphone est l’une des conditions sine qua non du confinement. Difficile d’imaginer que les gens puissent supporter d’être cloîtrés, ex-nomades encagés, sans pouvoir échanger.
Le téléphone portable alias mobile, outil bifide, est à la fois bénéfique et potentiellement dangereux pour les libertés individuelles ; il est plus que jamais l’auxiliaire d’un Big Brother sanitaire, – dès que le grand mot est lâché tout est permis, alors ils s’en gargarisent, « sanitaire » par ci, « sanitaire » par là, – permettant de signaler que les gens se sont déplacés plus que de raison, ne respectant pas l’interdiction de se déplacer à travers la France, et symbolise l’atteinte au droit de circuler librement, bafouant, sous couvert d’une loi d’urgence sanitaire, nos droits élémentaires, dont celui d’aller et venir, en vertu, ou plutôt en vice et cercle vicieux des lois d’exception du confinement et autres arrêtés liberticides qui tuent nos libertés plus sûrement qu’ils ne viennent à bout du virus.
À l’instar des spirales insecticides tellement puantes qu’on jurerait qu’elles risquent de nous asphyxier avant de tuer les moustiques, ce fieffé confinement nous menace, nous, notre équilibre et notre intégrité, plus férocement que le virus, nous soumet sous le joug sous prétexte de juguler le virus.
Le smartphone peut aussi servir au traçage, et ce « tracking » à l’asiatique fait frémir, même s’il est à but « sanitaire » pour repérer les malades à l’aide de toutes sortes de systèmes sophistiqués. Les bienfaits de toute cette technologie ne peuvent occulter les méfaits d’un flicage à grande échelle qui pourrait être irréversible. Ce n’est pas comme Cincinnatus retournant à sa charrue après avoir été dictateur juste le temps de sauver Rome. Là, on ne sait pas combien de temps ils feront durer le confinement ni comment on s’en sortira ni ce qu’ils en conserveront, du temps où ils nous auront contrôlés, cloîtrés, bridés.
Ça paraît tentant d’utiliser les smartphones comme armes contre le coronavirus, de se servir des données de nos smartphones afin de lutter contre la propagation du virus. L’idée a déjà été adoptée par plusieurs pays, notamment en Asie. En France, l’exécutif reconnaît réfléchir à l’utilisation d’une application sur la base du volontariat, en étudiant « l’opportunité de la mise en place d’une stratégie numérique d’identification des personnes ayant été au contact de personnes infectées ». La solution pourrait permettre un déconfinement progressif mais se heurte à un autre débat : la protection des données personnelles.
Faut-il utiliser les données mobiles afin de surveiller la propagation du coronavirus et à terme tenter de l’endiguer ? Mais c’est nous qui serions, plus que tracés, traqués, ciblés, à la merci d’on ne sait qui ayant on ne sait quel pouvoir sur nous. Ils se sont déjà octroyé les pleins pouvoirs. Le déconfinement est-il à ce prix ?
N’aurions-nous tant subi que pour finir traqués ?
Au sortir de tant et tant de confinement – les jours s’ajoutant aux jours et les semaines aux semaines et les mois aux mois, qui sait ? – nous serions prêts à supporter n’importe quelle surveillance, comme une servitude consentie, pourvu qu’on nous laisse bouger, pourvu que nous puissions recouvrer notre illusion de liberté ?
Le remède serait-il pire que le mal ?
Quant aux conséquences de l’effondrement économique, seront-elles plus mortifères que le virus, pas seulement sur le plan purement pécuniaire, mais psychologique, humain, avec des suicides de chefs d’entreprise, d’agriculteurs, de personnes confinées ruinées financièrement et socialement ?
Je regrette demain car aujourd’hui n’est plus comme avant où demain était porteur d’espoir, d’imprévu, d’inattendu, d’aventure, de joie de vivre, potentiellement, de plaisir de se déplacer ad libitum… Je regrette demain car maintenant, chaque soir en me couchant, je sais que demain sera un jour de confinement, un nouveau jour de confinement, un de plus, un autre jour semblable aux autres, un énième jour en tous points semblable au précédent, une journée qui n’aura de nouvelle que le nom.
Je regrette les lendemains d’avant, et je ne peux même pas compter les jours à rebours. Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne, un compte à rebours, ça va vers l’espoir, la quille, en vieux jargon de prisonniers ou de soldats, je ne sais plus trop, j’ai lu ou vu ça quelque part. Incarcéré, on est enfermé pour un temps, on compte d’un nombre jusqu’à zéro, on peut même avoir l’espoir d’être libéré sur parole, pour bonne conduite, on fait son temps ou parfois moins, on vous a dit de combien serait la peine, avec sursis ou bien ferme, tandis que là, non seulement on additionne des jours au lieu d’en soustraire, mais on ignore quel en sera le total, et chaque fois qu’on approche du terme ils en rajoutent et ils n’en savent rien eux-mêmes, de la durée du confinement. C’est ça le pire. C’est terrifiant : il y en a qui parlent de deux mois, trois mois, voire plus. Ils ont changé toute la teneur du lendemain, ils ont gâché toute la saveur des lendemains, ils ont ôté à demain toute latitude, ils ont altéré la texture des lendemains.
Je regrette demain et j’ai peur d’après-demain.
Quousque tandem, corona, abutere patientia nostra ? Toute l’antique fougue de Cicéron et la ferveur caribéenne de mes ancêtres nègres marrons se liguent pour chasser ces fièvres et me libérer de l’emprise de ceux qui les instrumentalisent pour disposer de nos corps.
Me prend l’envie de marronner.
Ibidem et pour cause, 20e jour de confinement, dimanche 5 avril 2020