ANTONOMASE EN TEMPS DE CYCLONE

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Sur "ANTONOMASE EN TEMPS DE CYCLONE"

L’ensemble du poème joue sur les noms de différentes figures de style ou termes de rhétorique : "antonomase", "palindrome", "anagramme", "hapax", "oxymore", "tautologie", "chiasme" etc., car le thème en est la libération d’une femme, or c’est grâce à la connaissance, grâce à la culture, notamment la culture gréco-latine, que cette femme s’est libérée. On ne naît pas femme debout, on le devient, dirais-je, paraphrasant Simone de Beauvoir.

 Une antonomase est une figure de style ou un trope, dans lequel un nom propre ou bien une périphrase énonçant sa qualité essentielle est utilisé comme nom commun, ou inversement, quand un nom commun est employé pour signifier un nom propre. Certaines antonomases courantes finissent par se lexicaliser et figurent dans les dictionnaires usuels (« une poubelle », « une silhouette », « un don Juan », « un harpagon », « un bordeaux », « le roquefort », « le macadam » etc.).
Dans le poème j’en donne quelques autres exemples : "Hercule, Apollon ou Vénus", car on dit "un hercule" pour un homme fort, un apollon pour un homme beau, une vénus pour une femme belle etc.
Le thème est toujours celui qui est le fil directeur de tout le recueil : le métissage, la recherche de sa signification, avec plus précisément ici la quête d’identité. Ce poème est une quête d’une antonomase, un mot ou une périphrase (un groupe de mots) énonçant la qualité essentielle du métis — ou de la métisse — avec l’aide des "Pléiades", ici allégories de l’inspiration poétique et de la relation au métaphysique, au mystique, à la mythologie. Tâche sans doute impossible, vu la complexité de la chose…
Tout ce poème est une variation sur les figures de style et les réalités qu’elles peuvent recouvrir, par-delà leur valeur esthétique.

Ici l’antonomase concernée est "métis", puisqu’il est tentant — bien que l’étymologie soit différente —, de faire un jeu entre le mot « métis » (du latin mixtus, mélangé, mêlé) et la Métis de la mythologie grecque (en grec Μῆτις, littéralement « le conseil, la ruse ») qui est une Océanide, fille d’Océan et de Téthys, personnification de la sagesse et de l’intelligence rusée.
Métis apparaît pour la première fois chez Hésiode, qui la décrit comme celle « qui sait plus de choses que tout dieu ou homme mortel ». Elle est la première épouse de Zeus. Alors qu’elle va accoucher d’Athéna, Ouranos (le Ciel) et Gaïa (la Terre) prédisent à Zeus qu’un fils de Métis est appelé à le supplanter. Zeus recourt alors à la ruse et avale Métis ; du fond des entrailles du dieu, l’Océanide aidera ensuite ce dernier à discerner le bien et le mal. Au terme de la grossesse, Athéna surgit tout armée du crâne de son père aidé par Héphaïstos.
Le mythe connaît de nombreuses variantes. Dans un texte également rattaché à Hésiode, Zeus prend Métis pour maîtresse après qu’Héra a accouché seule d’Héphaïstos. Chez un commentateur de l’Iliade, Zeus avale Métis alors qu’elle est enceinte d’Athéna par le Cyclope Brontès.
Selon le Pseudo-Apollodore, le jeune Zeus lui demande de l’aide dans sa lutte contre Kronos (le Temps) ; elle lui fait boire un émétique qui le force à régurgiter les enfants qu’il avait avalés. Elle devient ensuite la première épouse du dieu, après avoir essayé de lui résister en se métamorphosant constamment pour lui échapper.
Dans la tradition orphique, Métis est l’une des forces primordiales, à l’instar d’Éros (l’Amour) aux côtés duquel elle trône. Platon fait d’elle la mère de Poros, qui désigne d’abord le passage, le chemin, puis l’expédient.
Dans l’iconographie antique, Métis porte deux visages, ce qui colle bien avec le « métis », et est souvent représentée comme un petit personnage caché, par exemple sous le siège de Zeus.

 en temps de cyclone :
Référence à ma date de naissance, le 21 août, en pleine période cyclonique. Ce poème comporte de nombreuses références autobiographiques plus ou moins cryptées.

 marronnant :
Le verbe "marronner" est ici au sens de s’être échappé, pour un esclave, donc vivre en esclave marron, en être qui s’est libéré.

 "Exit la lycéenne scéenne " :
Comme dans les didascalies d’une pièce : "Le roi entre. Exit le prince" (= le prince sort.) ["Enter the king. Exit the prince."]
Après la sortie de scène de la "lycéenne" devenue "Femme pourfendue ", il y aura l’entrée en scène de la femme debout, la métisse qui s’assume face aux hommes et face au monde, qui "existe".

 scéenne :
Un(e) Scéen(ne) est un(e) habitant(e) de la ville de Sceaux (France) où j’ai passé le reste de mon enfance, après mon départ de ma Martinique natale à l’âge de quatre ans.

 en DS 21 :
Allusion à mes initiales, au lycée, quand on fait l’appel des élèves par ordre alphabétique en commençant toujours par le nom de famille : Dracius Suzanne, d’où le surnom DS, et même DS 21 donné par mes camarades de classe, car je suis née le 21. À l’époque la voiture DS 21 était très à la mode. "En DS 21" peut vouloir dire à la fois "en voiture nommée DS 21" et "en tant que personne surnommée DS 21", ce serait génial, car c’est là le sens (DS sonne comme "déesse" : l’idée est que la femme qui assume sa féminité se divinise, mais ça c’est quasiment intraduisible !).

 "Existe" :
"Existe" est au présent de l’indicatif, mais avec une inversion du sujet, comme quand on dit : "Apparaît soudain une femme nouvelle". Le sujet (inversé) du verbe "Existe" est "Un palindrome salvateur". Une fois libérée, une femme nouvelle apparaît, elle change son nom, elle prend une sorte de pseudonyme pour affirmer ce changement, cette métamorphose de femme victime en femme debout, et ce pseudonyme est le palindrome de son nom (DRACIUS / SUICARD).

 Existe, dans les tourbillons, les ondes bénéfiques, cycloniques d’un vociférant hurricane,
Mordillé des dévorations d’érotomanes distingués,

C’est une vision féministe de la libération de la femme, une "Femme pourfendue à la merci du moindre macho venu". Elle se libère du machisme grâce à un "vociférant hurricane", mais ce n’est pas facile pour elle, cette libération : les machos essaient de l’en empêcher. Le "hurricane" (ouragan) est "mordillé", c’est-à-dire diminué par les obsédés sexuels (les "érotomanes") qui ont un fort appétit sexuel, d’où la métaphore de la morsure dans "mordillé", métaphore filée dans "dévorations". Être la proie d’un homme jaloux, possessif et obsédé sexuel donne à une femme l’impression d’être dévorée. La "dévoration" (langage soutenu) est le fait de dévorer, de manger un être humain, de faire du cannibalisme. Quand la femme victime de ces violences phallocrates essaie de s’en libérer, c’est comme un ouragan, mais cet ouragan est "mordillé" par le macho, qui tente de l’en empêcher. En vain. D’où le diminutif "mordillé" (légèrement mordu) : l’ouragan est résistant, ces morsures sont dérisoires, vu sa force, ce sont pour lui des petits coups de dents qui ne l’atteignent guère.

 "érotomanes" (registre de langue soutenu, mais tout le monde comprend ce mot, car tout le monde connaît le mot "érotisme", très courant) : obsédés sexuels. "Distingués", car ce ne sont pas des violeurs vulgaires, brutaux, mais des messieurs bien, des bourgeois, des maris qui pratiquent le viol conjugal, qui obligent leur femme à des "jeux" sexuels bizarres, parfois dégoûtants, dégradants. Mais dans la société ces pervers sont distingués, voire raffinés, élégants, corrects. Ils ont l’air parfaitement normaux. Ils cachent bien leur jeu.
Cette femme se révolte, car elle en a assez d’être le jouet sexuel, l’objet sexuel de ces "érotomanes distingués".

 "Un palindrome salvateur de l’épéen guerrier de l’Iliade" :
Ici le nom "palindrome" est le sujet inversé du verbe "existe".
Le palindrome, du grec πάλιν / pálin (« en arrière ») et δρόμος / drómos (« course ») est une figure de style appelée aussi palindrome de lettres, c’est-à-dire un texte ou un mot dont l’ordre des lettres reste le même qu’on le lise de gauche à droite ou de droite à gauche comme dans l’expression « Ésope reste ici et se repose » ou "radar", "rotor". (Le palindrome est un cas particulier d’anagramme, d’ambigramme et d’anacyclique.)
Le palindrome — pour le sens, désignant la même personne — du nom "Dracius" est "Suicard". Ce nom "Suicard", aux consonances bien françaises avec ce -ard final, crée donc un "pseudonyme si incroyablement gaulois", "paradoxal" car "Dracius" est un nom d’esclave, trouvé chez Homère, Iliade, chant XIII, vers 692, le nom grec Drakios latinisé sous la forme Dracius dans les traductions.
Voir "Le nom de Dracius" : cliquer ici : Le nom de Dracius

 "Pour qui l’affirmative action n’est pas que figure de style"
"Pour qui le chiasme n’est pas qu’impure ou vaine rhétorique"
"n’est pas que..." = n’est pas seulement, est bien davantage, est bien plus que cela.

 "palinodie" :
(du grec palinôdia, rétractation, mot à mot : action de rebrousser chemin, de revenir sur ses pas). Dans l’Antiquité, pièce de vers dans laquelle le poète déclarait rétracter des sentiments antérieurs.
Littéraire : Changement complet d’attitude, d’opinion politique.
Ici, cette femme change complètement d’attitude, elle se dresse contre les contraintes imposées à la condition féminine, elle devient une "femme debout", elle se libère, se dépouille de l’être ancien pour devenir une nouvelle femme.

 Pour qui toute discrimination positive est un oxymore,
Pour qui chaque récrimination légitime est tautologie,
Il y a une dureté, une aspérité dans ces vers pour montrer l’âpreté de la lutte ;
"discrimination positive est un oxymore, puisque "discrimination" est péjoratif, mauvais, tandis que "positif" est bon. De plus, en France on n’y arrive pas à cause de ça, car on considère comme un crime de discriminer, par exemple en fonction de la couleur : en France c’est interdit de classer les gens selon la couleur, c’est contraire aux lois de la Réublique, donc le système américain d’ "affirmative action" est impossible. Surtout si on le nomme "discrimination positive".

 — Métis, métis —,
Il faut absolument garder le nom propre Métis (du personnage mythologique), sinon l’antonomase n’est plus visible, donc tout le poème perd son sens. Quand j’écris
— Métis, métis —,
ce n’est pas une répétition anodine : le premier " Métis " (avec majuscule) est le nom — propre — de la divinité Métis, et le second "métis" est le nom commun signifiant "mulâtre".

 "Exit la moitié de moitié,
La mi-ceci mi-cela."

Dans la pièce de théâtre qu’est l’histoire de la vie de cette femme, il y a un nouvel épisode : sortie de scène de la métisse, la sang-mêlé complexée (à complexe d’infériorité) mi-noire mi-blanche ni noire ni blanche, pour livrer passage à l’entrée en scène d’une femme nouvelle, métisse assumant son métissage.

 "Trois petits tours"  :
Ces "tours" sont de véritables révolutions, marquant le changement, la rupture, puis l’évolution. Allusion à la comptine "Ainsi font, font, font... les petites marionnettes... Ainsi font, font, font… Trois petits tours et puis s’en vont". Au sortir de l’innocence de l’enfance, s’amorce une révolution entraînant une évolution, un changement de vie, pour mieux assumer et améliorer sa condition de femme, se dégager de tous ces préjugés infériorisants qu’on lui a inculqués quand elle était petite fille.

 "firent les Pléiades" :
Dans la mythologie grecque, les Pléiades (en grec ancien Πληιαδες) sont sept sœurs, filles du Titan Atlas et de l’Océanide Pléioné. En astronomie, les Pléiades sont un amas ouvert d’étoiles.
La Pléiade est un groupe de sept poètes français du XVIè siècle rassemblés autour de Pierre de Ronsard et Joachim du Bellay. Le souci majeur de ce mouvement littéraire, d’abord nommé la « Brigade », créée sous l’égide de l’helléniste Jean Dorat, est de faire reculer le « Monstre Ignorance » par la diffusion de la culture antique. Le nom de « Pléiade » est emprunté à sept autres poètes d’Alexandrie qui avaient choisi, au IIIe siècle av JC, le nom de cet amas astronomique pour se distinguer. La Défense et illustration de la langue française, publié en 1549 par Joachim Du Bellay, constitue le manifeste des idées de la Pléiade : ces poètes veulent mener une réflexion sur les moyens d’enrichir la langue et la littérature françaises par des emprunts, la fabrication de néologismes, le rappel de mots disparus, et plus globalement enrichir la culture française par la redécouverte de la culture antique, de ses arts et de son savoir, en rupture avec les prédécesseurs (la poésie médiévale), exercer leur art en français (« la poésie doit parler la langue du poète »). Ils constatent cependant que la langue française est souvent pauvre, imprécise et peu adaptée à l’expression poétique et décident de l’enrichir par la création de néologismes issus du latin, du grec et des langues régionales. Ils défendent en même temps l’imitation des genres et des auteurs gréco-latins dans le but de s’en inspirer pour pouvoir les dépasser. D’où la relation avec ma poésie, en langue française enrichie de la langue et de la culture créoles avec en arrière-plan la culture gréco-latine : une poésie de "calazaza".

 "d’onyx et d’albâtre" :
les Pléiades sont "d’onyx et d’albâtre", c’est-à-dire noir et blanc, métis.

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